Ce « gel des délais » est organisé par l’ Ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-304 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et par l’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période Champ d’application.
- Les délais visés
L’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 prévoit que « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »
S’applique par exemple au délai de un mois pour effectuer la formalité de publication des comptes de l’exercice qui cours à compter de leur approbation et qui serait échu durant la période visée ci-dessus.
- Les délais exclus
Un certain nombre de délais sont expressément exclus par l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 (notamment en matière pénale, ou encore les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ;….)
D’autres délais sont spécialement exclus par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-304 (comme les délais et procédures applicables devant le juge des libertés et de la détention et devant le premier président de la cour d’appel saisi d’un appel formé contre les décisions de ce juge courent selon les règles législatives et réglementaires en vigueur ; ceux applicables devant le juge pour enfants font l’objet d’une adaptation par l’ordonnance précitée ; les délais mentionnés aux articles L. 311-1 à L. 322-14 et R. 311-1 à R. 322-72 du code des procédures civiles d’exécution …).
La procédure et les délais pour ces cas sont alors régis par ces ordonnances.
- L’application aux délais d’action, de procédure et d’exécution forcée
L’article 2, I, de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 précise que la prorogation des délais échus se rapporte aux procédures introduites devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale.
Voici quelques exemples :
le délai d’action en justice (suspension de la prescription ou de la forclusion)
le délai pour signifier le jugement rendu par défaut ou réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel (C. pr. civ., art. 478) ;
le délai pour exercer une voie de recours (appel, opposition, pourvoi en cassation, tierce opposition, recours en révision, référé-rétractation, déféré, saisie de la juridiction de renvoi après cassation, etc.) ou pour saisir le bureau d’aide juridictionnelle dans les conditions prévues par l’article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
le délai de forclusion de l’article 528-1 du code de procédure civile ;
le délai pour enrôler une assignation devant le tribunal judiciaire (délai de quatre mois par combinaison de l’art. 55 du décr. n° 2019-1333 du 11 déc. 2019 réformant la procédure civile et de l’art. 757 C. pr. civ. dans sa rédaction antérieure) ; les délais de comparution devant les juridictions de premier degré, d’appel ou devant la Cour de cassation ; le délai de péremption (C. pr. civ., art. 386) ; tous les délais dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire impartis à peine de caducité de la déclaration d’appel (C. pr. civ., art. 902, 905-1, 905-2, 908, 911 et 922) et de la déclaration de saisine (C. pr. civ., art. 1037-1) ou d’irrecevabilité des conclusions (C. pr. civ., art. 905-2, 909, 910, 911 et 1037-1) ; tous les délais devant la Cour de cassation impartis à peine de déchéance ou d’irrecevabilité.
- Concernant les effets de ces ordonnances sur les contrats
La précision selon laquelle sont concernés par les dispositions de cet article les actes « prescrits par la loi ou le règlement » exclut les actes prévus par des stipulations contractuelles.
Les délais contractuellement prévus et le paiement des obligations contractuelles ne sont donc pas concernés par le mécanisme de prorogation, en dehors des cas suivants prévus à l’article 4 à savoir :
les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er.
En d’autres termes il n’est pas possible de mettre en œuvre une telle clause pour justifier de la résiliation d’un contrat pendant la période d’urgence sanitaire.
L’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er.
Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période mentionnée (article 5).
Et, en dehors des cas où le délai est celui de l’exercice d’un droit légal prévu dans une clause du contrat (garanties, droit de rétractation…).
Les délais conventionnels demeurent toutefois protégés par les dispositions de droit commun régissant le cours d’un délai. Si leurs conditions sont réunies, les dispositions relatives à la suspension de la prescription pour impossibilité d’agir en application de l’article 2234 du Code Civil, ou encore le jeu de la force majeure prévue par l’article 1218 du Code civil restent applicables.
- La prorogation des mesures administratives et juridictionnelles
Concernant certaines mesures administratives et juridictionnelles dont le terme vient à échéance au cours de la période susmentionnée, l’article 3 de l’ordonnance n°2020-306 précise qu’elles sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période :
1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;
2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ;
3° Autorisations, permis et agréments ;
4° Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;
5° Mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial.
Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020.
- La période d’échéance des délais
La prorogation joue à l’égard des seuls délais échus « entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 » (ord. n° 2020-304, art. 1er ; ord. n° 2020-306, art. 1er) .
Rappel : La loi du 23 mars 2020 déclare en son article 4 l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur immédiate de la loi,) La date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est donc fixée pour le moment au 24 mai 2020, sous réserve d’un report ultérieur lié à l’évolution de la pandémie covid-19.
Dès lors, les délais qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (cessation de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois) pourront bénéficier de la prorogation.
En revanche, les délais en cours, qui ne sont pas arrivés à terme pendant cette période, sont maintenus.
- Le mécanisme de prorogation
L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que les diligences qui auraient dû être effectuées au cours de la période mentionnée par l’ordonnance seront réputées avoir été faites à temps si elles sont accomplies dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de la période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
En d’autres termes, à compter de la fin de la période, soit le 24 juin 2020 à minuit (sous réserve de l’absence de modification de la date de fin de cette période), les praticiens devront avoir accompli l’acte ou la formalité dans un délai supplémentaire dont la durée est la même que celle originellement fixée, dans la limite maximale de deux mois.